Un cadeau des dieux au peuple guaraní
Autrefois, beaucoup d’histoires se transmettaient oralement. C’est ainsi que certaines ont traversé les siècles, de mémoire en mémoire, jusqu’à nos jours.
Parmi elles, une histoire demeure peu connue : celle de la yerba mate. Cette histoire est celle d’un cadeau des dieux au peuple guaraní.
En ce temps-là, les Guaranís n’écrivaient pas leurs histoires. Ils avaient pour habitude de les chanter, avec une très grande douceur.
Un lien sacré avec la nature
Les Guaranís étaient un peuple qui accordait une grande importance au plaisir, à la spiritualité, à l’inspiration, à la sensualité, au mystique. Ils aspiraient à vivre leur vie avec un enviable équilibre.
Ils avaient reçu de leurs dieux les secrets de l’agriculture et les en remerciaient en vouant un véritable culte à la nature. Selon eux, les dieux se trouvaient dans chaque feuille, chaque branche, chaque bouton de fleur.
Leur lien avec la nature relevait ainsi du mystique, du sacré. Ne prenant d’elle que ce qu’elle leur donnait pour se nourrir et se guérir, ils lui rendaient en prenant soin d’elle, en l’honorant par des rituels et cérémonies chantées exprimant leur gratitude.
Leur lien avec la nature était régi par une loi sacrée, une loi sur laquelle reposait l’ensemble de la société guaraníe : celle de la réciprocité. Ce principe embrassait tous les aspects de leur vie quotidienne.
Ils considéraient que la personne la plus riche n’était pas celle qui possédait le plus, mais celle qui donnait le plus, qui partageait le plus ses biens matériels et spirituels avec les autres.
À la recherche de la tierra sin mal, la terre sans mal
Les Guaranís étaient d’infatigables voyageurs, en quête d’une terre dont leur avaient parlé les dieux : la tierra sin mal, la terre sans mal. Les dieux leur avaient révélé que lorsqu’ils trouveraient l’arbre qui leur apporterait guérison et prospérité, ils auraient atteint la terre sans mal.
Cette quête les conduisit au cœur d’une jungle luxuriante aux redoutables dangers. Faisant honneur à l’étymologie de leur nom, le mot guaraní signifiant « guerrier », ils apprirent à connaître cette jungle jusqu’à en faire pleinement partie. Une vieille légende guaraníe raconte que c’est alors que leur apparut un mystérieux arbre.
La légende de Kaá Yarí, déesse de la yerba mate
Une nuit, la déesse de la lune, Yasí, s’ennuyait aux cieux. D’en haut, elle arrivait à peine à distinguer ce que cachait l’épaisse jungle en contrebas. Bien décidée à le découvrir, elle descendit un jour sur terre avec son amie Araí, la déesse des nuages.
Changées en jeunes filles, elles passèrent la journée à jouer dans la jungle et à s’émerveiller devant les trésors qu’elle abritait. Puis, fatiguées d’avoir tant couru, elles cherchèrent un endroit où se reposer.
Alors qu’elles se dirigeaient en direction d’une cabane au loin, elles commencèrent à se sentir suivies. Soudain, un jaguar bondit sur les deux jeunes filles, toutes griffes dehors. À cet instant précis, un sifflement retentit dans la jungle et le jaguar tomba à terre, transpercé par une flèche. Un vieux chasseur guaraní sortit alors des feuillages, son arc à la main, et leur offrit l’hospitalité.
En entrant dans la cabane, l’homme leur présenta sa femme et sa fille, la jeune Yarí, qui s’empressa de leur offrir la dernière galette de maïs qu’il leur restait. Alors que la nuit tombait, Yasí et Araí remercièrent chaleureusement leurs hôtes et s’en allèrent.
De retour au ciel, Yasí ne cessa de repenser à leur aventure sur terre. Elle chercha, de longues nuits durant, une façon de manifester sa gratitude à la famille du vieux chasseur.
Enfin, une nuit, elle lui apparut en rêve et lui dit : « Je suis Yasí, la déesse de la lune. Me reconnais-tu ? Je suis venue apporter un cadeau à ta famille. Pour vous remercier de votre générosité, j’ai planté des graines magiques aux abords de votre cabane. Vous découvrirez demain matin un arbre aux feuilles vertes et aux petites fleurs blanches, que vous appellerez kaá, la yerba mate. Cette plante vous permettra de ne plus jamais être seuls et sera un symbole particulier d’amitié. »
Yasí révéla au vieil homme les secrets de kaá, et lui enseigna à traiter ses feuilles à l’aide des quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu.
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Elle prépara le premier maté, qu’ils partagèrent ensemble. Avant qu’il ne se réveille, elle lui annonça qu’elle avait fait de sa jeune fille la déesse gardienne de la yerba mate, la Kaá Yarí.
Aujourd’hui encore, on raconte qu’on peut parfois l’apercevoir se promenant entre les arbres de yerba mate, chuchotant aux feuilles pour veiller à leur croissance, et protégeant les travailleurs et travailleuses des plantations.
La seule terre au monde où pousse la yerba mate
C’est ainsi que les Guaranís cessèrent d’être nomades pour s’installer dans le Bassin de la Plata, la terre sans mal, où ils grandirent physiquement et spirituellement.
Cette terre abrite le seul endroit au monde où pousse la yerba mate, au croisement entre le sud du Paraguay, le sud du Brésil et le nord-est de l’Argentine.
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Les Guaranís donnèrent une valeur sacrée à la yerba mate
Les Guaranís apprirent à connaître les dons de kaá, la yerba mate, et lui donnèrent une valeur sacrée. En plus de leur avoir été offerte par les dieux, cette plante leur faisait don d’une infusion stimulante, et ils considéraient tout ce qui avait un pouvoir stimulant comme sacré.
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Ils donnèrent à la yerba mate une grande diversité d’usages : ils la machaient pour extraire sa capacité énergisante lors de longues marches dans la jungle, pour se donner la force d’accomplir des travaux difficiles, pour s’alimenter physiquement et mentalement.
Ils s’en mettaient sur le corps pour éloigner les insectes. Ils l’utilisaient pour guérir, pour soigner les blessures du corps et de l’esprit. Le sorcier, ou guérisseur, l’utilisait pour soigner le psychique, apaiser et faire place au bien-être.
Ils s’en servaient pour leurs prières, leurs rituels de vie et leurs rituels de mort, et en faisaient offrande à leurs ancêtres. Le guide spirituel en brûlait les feuilles pour lire dans leur fumée l’avenir et invoquer les dieux.
Les femmes mélangeaient ses feuilles à de l’eau de pluie pour se laver les cheveux, et les écrasait pour soigner leur peau ou l’aider à cicatriser.
Les Guaranís utilisaient aussi les feuilles de yerba mate comme monnaie d’échange avec d’autres peuples tels que les Aymaras de Bolivie, du Pérou et du nord du Chili, ou encore avec les Mapuches de Patagonie.