Un héritage du peuple guaraní
Les secrets permettant de traiter les feuilles de yerba mate furent découverts et transmis par le peuple guaraní, un peuple indigène vivant au croisement entre l’Argentine, le Paraguay et le Brésil.
Ces mêmes techniques demeurent aujourd’hui encore au cœur du processus d’élaboration de la yerba mate.
De la pépinière au champs
Aujourd’hui, le processus commence par la graine de yerba mate. Il faut laisser macérer le fruit mûr de la plante afin de le ramollir et de pouvoir en extraire les graines, qui sont ensuite plantées et transportées en pépinières lorsqu’elles germent.
Les plantules y restent entre 9 et 12 mois. Lorsqu’elles sont prêtes à aller en champ, elles y sont plantées à la main. Un petit poncho est alors confectionné pour les protéger du soleil et de la perte d’humidité (il s’agit d’une écorce leur servant d’abri).
La yerba mate nouvellement plantée fait l’objet de beaucoup d’attention, elle est soigneusement taillée au fur et à mesure de sa croissance et protégée des éventuels parasites. La plante devient productive à partir de 4 ou 5 ans (et pourra le rester jusqu’à ses 50 ans si elle est soignée et consciencieusement taillée, car c’est une plante très résistante).
La récolte des feuilles mûres
On considère comme matière première de qualité la feuille étant restée sur la plante au moins 2 ans.
Les récoltes ont lieu en hiver ou en été. Elles sont généralement plus abondantes en hiver. À cette saison, les feuilles sont plus mûres, plus foncées et moins concentrées en caféine que l’été.
C’est en général l’ingénieur agronome qui, grâce au bruit que font les feuilles en se cassant, est en capacité de décider si le moment est venu de les récolter.
La récolte est faite à la main par les tareferos, qui savent reconnaître les branches avec les meilleures feuilles, celles qui auront le meilleur goût.
Originellement, les Guaranís ne cultivaient pas la yerba mate, ils la récoltaient directement sur les arbres sauvages de la jungle Paranaense.
Les branches et feuilles de yerba mate, mises en fagots (appelés raídos) sont ensuite rapidement transportées au séchoir pour passer à l’étape suivante : le sapecado.
Le sapecado, « ouvrir des yeux dans les feuilles »
Le sapecado fait partie des secrets transmis par les Guaranís, demandant une fine maîtrise du feu.
Cette étape consiste en une exposition directe aux flammes pendant quelques secondes. Elle permet de réduire l’humidité des feuilles, d’interrompre leur processus naturel d’oxydation et de les rendre croquantes.
Il s’agit d’une étape clé pour assurer la qualité de la yerba mate, définir ses arômes, ses saveurs et conserver sa couleur verte d’origine. Sans le sapecado, les feuilles de yerba mate seraient noircies par l’oxydation des polyphénols, entraînant une nette diminution de leur qualité.
Dans la langue guaraníe, sa signifie « yeux » et peca signifie « ouvrir ». Sapecar signifie donc « ouvrir des yeux dans les feuilles », car l’exposition directe aux flammes forme de petites cloques sur les feuilles, signe de qualité.
Le secado, la phase de séchage
L’étape suivante elle celle du secado (séchage), au cours de laquelle les feuilles perdent complètement leur humidité.
Une fois encore, il s’agit d’une étape inventée par les Guaranís, bien que les techniques se soient depuis modernisées : les Guaranís suspendaient les feuilles à une branche au-dessus d’un feu doux pendant une journée et une nuit.
Aujourd’hui, la technique la plus utilisée est le secadero de cinta (le séchoir à bandes) : les feuilles sont transportées sur des bandes dans des fours où circule l’air chaud.
Il existe un autre système, plus lent et demandant plus d’attention, que l’on appelle le séchoir barbacuá. Les feuilles sont placées sur une grille circulaire (nommée cambari) et la chaleur leur parvient indirectement par un tunnel souterrain relié à un four à bois. Le bois provient d’arbres natifs de la région. Ce type de séchage prend une journée entière. On en obtient un résultat beaucoup plus proche de celui des Guaranís, avec des notes fumées.
Chaque séchoir a son gardien, que l’on nomme uru. Cela signifie « oiseau » en guaraní. Il connaît parfaitement le bruit que doit faire le crépitement du feu qui alimente le four du séchoir et veille à ce qu’aucune branche ne brûle.
Le canchado, broyage des feuilles séchées
L’étape qui suit se nomme le canchado (ou molienda gruesa). Elle consiste en un broyage grossier des feuilles séchées. Les Guaranís utilisaient une maille d’osier pour découper et tamiser les feuilles.
Aujourd’hui, cette étape se fait avec un broyeur. Les feuilles sont séparées du bois, ce qui permet à la fois de réduire le volume et d’exposer une plus grande surface à l’oxygène afin de les préparer à la phase suivante, l’estacionamiento.
L’estacionamiento, la phase de maturation des feuilles
Il s’agit de la phase de maturation de la feuille, essentielle pour assurer sa qualité. Le temps intervient alors pour la transformer, développer ses arômes, ses saveurs, travailler sa couleur, la doter de corps.
La yerba mate repose dans des sacs différenciés selon leur lot, leur terroir, leur récolte… Il existe deux types d’estacionamientos : l’estacionamiento natural (stockage naturel) qui dure en moyenne 12 mois et l’estacionamiento en cámaras (stockage en chambres), plus rapide car il a lieu dans un environnement fermé où sont contrôlés les niveaux d’humidité et de température.
Des contrôles réguliers sont effectués durant cette phase de maturation, qui se termine lorsque la yerba mate a atteint une qualité optimale.
La molienda, dernière phase de broyage
L’étape suivante est la molienda, une dernière phase de broyage.
Les Guaranís utilisaient un mortier jusqu’à obtenir un résultat proche de celui que nous connaissons.
Aujourd’hui, les feuilles sont déversées sur un tapis muni d’un tamis qui permet de séparer les bâtonnets (palos) des feuilles. Ils sont broyés séparément pour obtenir la granulométrie souhaitée.
Le blend et l’emballage
À l’issue de cette phase, on obtient les quatre éléments composant traditionnellement la yerba mate : les feuilles grossièrement broyées (hojas gruesas), les feuilles fines (hojas finas), la poudre de feuille (polvo de hoja) et les bâtonnets (palos).
Chaque marque réalise ensuite son propre blend (mélange) en ajustant les proportions selon le style souhaité.
Enfin, la yerba mate est soigneusement emballée et est prête à être consommée.
Un savoir-faire ancestral à chaque étape
Ce processus d’élaboration long et minutieux, dont les étapes clés ont été conçues et transmises par le peuple guaraní, constitue le premier facteur de qualité de la yerba mate.
Il est indissociable du savoir-faire des personnes qui interviennent à chacune de ses étapes. La modernisation des technologies permet de perfectionner les techniques, mais l’expérience et le dévouement des personnes impliquées dans le processus, depuis la pépinière jusqu’à l’emballage, restent déterminants. On s’en remet souvent à leurs sens, qui n’ont pas de substituts.
Ce sont ces mains et ce savoir-faire qui font de l’élaboration de la yerba mate un art.